Valérie Labarre : "La culture pour tous ? La culture DE tous !"

Publié le par Groupe des élus EE au Conseil régional

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C'est devenu chez moi une habitude de parler des personnes en situation d'illettrisme, de leur souffrance, et de mon impatience à ne pas réussir à convaincre vite. Aujourd'hui, j'ai envie d'en parler autrement. j'ai participé jeudi après-midi, au nom du conseil régional, à la remise des prix des meilleurs "écrivants" du réseau Initiales. Au milieu des mamans africaines, des pauvrettes édentées à vingt ans, des tatoués-tout-timides, des sans-logis, des fracassés de la vie, en fauteuils ou sur pieds...j'ai applaudi à l'unisson à me faire mal aux paumes, j'ai éclaté de rire, j'ai pleuré. Je suis toute admiration.

J'ai rencontré et j'ai envie de parler de: Habiba qui raconte le dernier jour avant la guerre d'Algérie, la pochette en tissu que sa mère lui avait cousue pour ranger l'ardoise, la craie et la petite éponge demandés par le maître d'école. Kristin  qui finit son texte par "Maintenant je n'ai plus peur" Itto et son magnifique poème: " je t'emmène où j'habite" Mestoura et sa "lettre à...": "je ne suis pas un oiseau et tu es si loin" Serge qui, enfin, n'est plus "le canard boiteux"....

Après une ribambelle de rendez-vous ratés, ces auteurs ont réussi une rencontre miraculeuse avec les mots écrits. Leur amour des mots est né sur un terreau d'échecs, de blessures et même d'abandon.

Comme Mickaël: "j'écris pour hurler en silence mes mots à l'accent si pauvre et la seule richesse de de l'homme modeste. Je suis ce muet des temps modernes."

J'ai eu le bonheur de distribuer des prix...à des gens au regard lumineux, tête haute et sourire éclatant. Il y a quelques semaines, quelques mois, ceux-là ne savaient pas lire les prix au supermarché, ne se sentaient pas capables de prendre le train. Aujourd'hui leurs textes-poèmes avaient été choisis comme les plus beaux, les plus forts par un jury d'écrivains, de bibliothécaires... Aujourd'hui nous avons posé sur eux notre regard admiratif. Une toute petite dame s'est même mise à entonner avec une force et une justesse magnifiques un chant révolutionnaire espagnol! C'était un moment intense, un point de bascule dans leurs vies et j'espère que Jean-Paul n'aura plus jamais à écrire: "on me coupe sans arrêt la parole. On pense pouvoir m'aider à parler et on continue mes phrases. On me coupe sans arrêt la parole".

Les prisonniers n'avaient quant à eux pas obtenu l'autorisation de participer à la fête. Ils étaient pourtant bien présents; leurs mots, lus par deux comédiens, provoquaient dans la salle un silence assourdissants. "Maman, je t'en prie, je veux sortir d'ici". Ils retrouveront néanmoins leurs textes, comme tous les textes primés, sous la direction d'Edris Abdel Sayed, dans un recueil "Vivre ensemble le festival de l'écrit". Le but de ces manifestations et de ces outils est de "valoriser l'expression écrite des participants dans un projet de reconnaissance sociale, culturelle et professionnel, l'accès à l'écriture étant un élément primordial, indispensable à l'exercice du droit du citoyen". Chapeau bas Monsieur Abdel Sayed.

 
Valérie Labarre

 

Ps: et rendez-vous très bientôt pour peut-être un (encore?) plus grand engagement du conseil régional;)

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M
<br /> Bonjour,<br /> je lis avec plaisir votre article sur la remise des prix à des personnes en situation d'apprentissage, et je vous rejoins sur le bonheur qu'il y a à les rencontrer et les accompagner dans la remise<br /> des prix. Je suis contente que ce concours d'écriture perdure, puisque j'ai contribué au premier, qui date de 1989/1990, suite à un appel à projets de l'Unesco, auquel avait répondu Monsieur<br /> AZZIMONTI, conseiller pédagogique au CLAP (comité de Liaison pour l'alphabétisation et la promotion) de Lyon ; le CLAP a déposé le bilan depuis, mais l'initiative a perduré, et c'est très bien.<br /> Mais rendons à César ce qui est à César, et saluons d'abord Francesco (ex CLAP Lyon) pour avoir imaginé ce concours, puis Edris (ex CLAP Paris) pour l'avoir perpétué .<br /> <br /> <br />
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